Article 1 – Vivre 2007/10 (décembre)
La controverse créationniste est de retour

Le créationnisme est de retour. Les musulmans s’y mettent aussi. Un immense musée créationniste vient d’ouvrir ses portes aux Etats-Unis, et des projets semblables ont été lancés en Europe. Certains veulent introduire l’alternative créationniste dans l’enseignement scolaire. Le débat est monté jusqu’au Conseil de l’Europe. Comment se situer ? Etat des lieux d’une controverse qui revient sur le devant de la scène.

On pouvait croire le débat périmé. Le créationnisme et son combat contre Darwin reviennent en force. On en parle peu dans nos Eglises. Pourtant, ce débat a récemment pris de l’ampleur sur la place publique. En décembre 2005, le Nouvel Observateur publie un numéro hors série de 80 pages sous le titre : «La Bible contre Darwin – entre débat scientifique et combat politique, les évangélistes (sic!) partent à l’assaut de la société américaine». En avril 2006, c’est au tour de La Recherche (mensuel scientifique généraliste de niveau universitaire) de publier dans son numéro 396 un dossier spécial intitulé «Dieu contre Darwin», dans lequel il s’attaque à la théorie du «dessein intelligent». Au début de 2007, la presse française se fait l’écho massif de l’envoi de l’Atlas de la création, ouvrage musulman créationniste, à diverses institutions du Ministère de l’éducation nationale, bibliothèques, écoles, etc. Sur son site internet, l’auteur, Harun Yahya, dénonce le «mensonge de l’évolution» et affirme que «la réelle source du terrorisme est le matérialisme et le darwinisme». Divers mouvements créationnistes, d’origine chrétienne ou musulmane, cherchent à introduire dans l’enseignement scolaire les thèses créationnistes. Le Conseil de l’Europe s’en est ému. Il a mis en route une commission sur le sujet, qui a publié un rapport détaillé le 8 juin dernier (Document 11297). Le projet de résolution n’a pas abouti, mais l’ampleur du dossier reflète bien l’importance des enjeux. La Suisse est également touchée : le 4 décembre dernier, dans le journal télévisé de la TSR, le président de l’Union syndicale suisse s’inquiétait de la présentation de telles thèses comme alternative scientifiquement crédible dans un manuel scolaire bernois.

Comment nous situer dans ce débat ? Il faut d’abord s’entendre sur les termes. Tout chrétien confesse avec le premier article du credo sa foi en «Dieu, le Père tout-puissant, créateur du ciel et de la terre». Nous utiliserons ici le terme de «créationnisme» dans le sens qu’il a pris dans ce débat, à savoir une position qui, au nom de la foi, s’oppose aux thèses scientifiques couramment admises, et plus spécialement à la théorie de l’évolution. La récente théorie du «dessein intelligent» est-elle alors un nouvel avatar du créationnisme? Toute la question est là...

Un conflit vieux de quatre siècles

Le conflit entre science et foi est ancien. Il a pris une forme dramatique au procès de Galilée (1616 et 1633). Paradoxalement, ce procès s’inscrit au moment où la science moderne prend naissance, dans un contexte totalement imprégné de la foi chrétienne. Pour l’époque, faire tourner la terre autour du soleil semble aussi contraire à la Bible que l’idée de faire descendre l’homme d’une lignée animale apparaîtra à l’époque de Darwin. D’ailleurs, ce n’est qu’après une longue hésitation que ce biologiste publie en 1859 son ouvrage «De l’origine des espèces au moyen de la sélection naturelle ou la Lutte pour l’existence dans la nature». C’est une nouvelle révolution qui ébranle la pensée. Dans les milieux religieux, beaucoup y voient une grave menace sur les fondements moraux même de notre société. Mais ce n’est que vers 1920 que le mouvement s’organise. Dans la mouvance de la résistance au modernisme et à la théologie libérale qui se met en place depuis plusieurs dizaines d’années se crée en 1919 la World Christian Fundamental Assiociation, avec la publication d’une série de volumes précisant les fondements de la foi chrétienne. Parallèlement, un autre mouvement s’engage dans une action législative antiévolutionniste. En quelques années, 37 projets de lois sont déposés visant à interdire l’enseignement de l’évolution dans les écoles secondaires. Le mouvement connaît son heure de gloire avec le fameux «procès du singe» en 1925. Ce mouvement s’est poursuivi sans discontinuité jusqu’à aujourd’hui. En 1963, le mouvement lance la Creation Research Society, qui se donne pour but de montrer scientifiquement que la Bible a raison contre les théories scientifiques généralement admises, et que le monde a été effectivement créé en 6 jours de 24 heures, il y a 6000 ou 10 000 ans – le déluge fournissant pour eux l’explication de l’existence des formes fossiles.

En fait, le mouvement créationnisme n’est pas monolithique. On peut distinguer, très schématiquement :

– Un créationnisme strict, dit de la «jeune terre», qui tient aux 6 jours du premier chapitre de la Genèse et à une chronologie reconstruite à partir de la Bible et faisant remonter la création à environ 6000 ans. Cette thèse tente d’expliquer les formations géologiques comme conséquence d’un cataclysme universel, identifié au déluge biblique.

– Un «créationnisme doux», qui défend des thèses concertistes concordistes, interprète les jours bibliques des époques géologiques, et affirme que les espèces animales, et l’homme en particulier, ont été créés par une intervention spéciale du créateur.

– Une nouvelle proposition, apparue il y a une quinzaine d’années, celle du «dessein intelligent» (Intelligent Design). Cette approche rompt avec cette manière de prendre la Bible, pour démontrer la nécessité, au nom de la science, d’une intelligence créatrice pour expliquer l’extraordinaire complexité du vivant. Ses promoteurs se réclament d’une approche rigoureusement scientifique. Mais ses détracteurs affirment, non sans raison, qu’il s’agit d’un néo-créationnisme dont les motifs sont essentiellement religieux. Ils citent notamment un des ténors de cette approche, Philip Johnson, fondateur du Discovery Institute en 1991, qui n’hésite pas à déclarer : «Notre but ultime est d’affirmer que Dieu existe et de combattre Darwin.»


Le dessein intelligent, une nouvelle forme de créationnisme?

Le créationnisme classique a de nombreux adeptes aux Etats-Unis, mais une audience assez réduite en Europe, limitée à certains milieux chrétiens. Il n’a guère ému la communauté scientifique. Si certaines critiques de la théorie de l’évolution méritent attention, d’autres arguments depuis longtemps réfutées sont répétés dans leur littérature. Mais surtout, la reconstruction alternative proposée est carrément abracadabrante.

Il en va tout autrement avec ce «néocréationnisme» du dessein intelligent. Jean-Paul Dunand, dans un article publié dans la revue de réflexion théologique évangélique Hokhma (n° 88, 2005), écrit que «par son caractère réfutable, par sa méthodologie, par son pouvoir explicatif, le dessein intelligent, empreinte laissée par le Créateur, présente tous les traits d’un paradigme scientifique capable de supplanter le paradigme évolutionniste. Avec ses amis, Johnson [...] veut encourager à faire tomber le masque du darwinisme, idéologie déguisée en science, et à y enfoncer le coin de la vérité jusqu’à faire éclater sa prétention de rendre Dieu superflu.»

Or il m’apparaît que c’est justement là que le bât blesse. Certes, la prétention à expliquer l’évolution par le seul jeu du hasard et de la nécessité tient de l’idéologie – et les biologistes sont d’ailleurs nombreux à le reconnaître. Mais ce «coin de la vérité», dans le mouvement du dessein intelligent, c’est une véritable stratégie politique, affirmée publiquement sur le site de l’association, avec des objectifs très précis à moyen et à long terme, visant à introduire le dessein intelligent comme alternative reconnue dans l’enseignement universitaire et dans les écoles. A lire ce texte («The Wedge Document»), on est en droit de se demander de quel côté se situe l’idéologie!

L’évolution, une théorie convaincante... mais incomplète

Cette proposition mérite certainement notre réflexion. Le modèle évolutionniste de l’histoire de la vie est extrêmement solide quant au fait de l’évolution, à savoir que tous les êtres vivants appartiennent à un seul arbre généalogique remontant à une époque datant de quelque 4 milliards d’années. Mais il reste incomplet dans son pouvoir explicatif. Il rend compte dans les grandes lignes et sur de nombreux points de la diversification des espèces à partir du début du système actuel de reproduction, avec le code génétique commun à toutes les espèces. Cette unité du code génétique, fondé sur l’ADN, est d’ailleurs un des arguments les plus déterminants en faveur du fait de l’évolution.

Mais beaucoup doutent néanmoins de son pouvoir explicatif global. De plus, la première moitié de l’histoire de la vie nous échappe totalement, malgré un certain nombre d’hypothèses et de scénarios plausibles. Car pour l’avant-ADN, on en est à peu près au problème de la poule et de l’oeuf. L’ADN, support de l’hérédité et de la reproduction, ne peut en effet se dupliquer que dans un environnement fait des protéines dont il pilote lui-même la construction. L’émergence de la vie telle que nous la connaissons, du monde minéral jusqu’au code génétique, reste donc largement une terre inconnue – et le restera peut-être à jamais, en l’absence de traces terrestres et devant l’impossibilité de les trouver dans d’autres planètes éventuelles bien trop lointaines.

Faut-il chercher Dieu dans les trous de l’explication scientifique?

La théorie du Dessein intelligent ne refuse pas le fait évolutif, à la différence du créationnisme classique. L’un des promoteurs, le professeur de droit Philipp E. Johnson, a publié en 1991 «Darwin on trial», ouvrage dans lequel il s’emploie à critiquer systématiquement les arguments évolutionnistes, mais sans prétendre que la création se serait passée comme la Genèse la raconte. Il s’agit seulement de démontrer que la complexité du vivant n’a pas pu émerger du hasard. L’évolution n’est pas niée, c’est son pouvoir explicatif qui est écarté. La vie nous donne la preuve de l’existence d’un «dessein intelligent» qui l’a intentionnellement produite. Un autre argument est tiré du réglage extrêmement fin des constantes de la physique permettant l’émergence de l’univers à partir de son état initial hyper-condensé, selon le modèle du big bang. Il faut en effet des valeurs extrêmement précises de ces constantes, comme par exemple la masse de l’électron, pour que puisse se développer un univers avec une structure diversifiée permettant finalement l’émergence de la vie – sans quoi on n’aurait qu’une soupe informe et vide. Ce deuxième argument est d’ailleurs évoqué par différents auteurs de différentes convictions philosophiques et religieuses, comme par exemple l’astrophysicien de conviction bouddhiste Trinh Xuan Thuanh (La mélodie secrète, Fayard, 1988).

Mais c’est bien là, au coeur de l’argument, qu’on peut être théologiquement critique. Car on est en train de mettre une intelligence supérieure, un dessein intelligent, un dieu avec ou sans majuscules, dans les trous de l’explication scientifique. Au temps vétéro-testamentaires, c’était dans le tonnerre, aujourd’hui c’est dans la complexité de l’ADN ou dans le réglage fin des constantes physiques... Par ailleurs, voir Dieu à l’oeuvre essentiellement dans l’apparition de la complexité du vivant conduit à une vision du monde et d’un univers à deux étages, l’un fonctionnant selon les lois naturelles et l’autre obéissant aux desseins d’une intelligence supérieure, comme le relève une excellente analyse critique de Denis R. Alexander. Or, si nous pouvons reconnaître avec les témoins bibliques l’intervention divine dans divers événements ou circonstances de la vie, la Bible présente Dieu comme créateur du monde dans son entier, dans son présent et non seulement dans son commencement, à travers les «lois de la nature» plutôt qu’en dehors d’elles, et je suis appelé à reconnaître sa présence dans toute mon existence, non seulement dans certains moments privilégiés.

A suivre...

Ces débats ont le mérite de poser deux questions, et même trois : comment est-ce que je lis le texte biblique ? Comment est-ce que je reçois ce que dit la science et que sait-on vraiment ? Comment est-ce que j’articule les deux ? C’est là un enjeu important, non seulement pour notre questionnement personnel, mais pour notre témoignage de chrétien au coeur de la société actuelle. Une réflexion à poursuivre... dans un prochain article.


Article 2 – Vivre février 2008
Bible et science, des points de vue complémentaires sur la vie

Comment lire la Bible et accueillir la science? Peut-on éviter les pièges du concordisme sans tomber dans la schizophrénie d’une séparation totale des domaines? Certainement, mais en laissant la porte ouverte à l’interpellation réciproque, loin des réponses toutes faites...

Opposer la Bible et la science, ou Dieu et Darwin, c’est mal lire la Bible et mal comprendre la science. Les faire concorder, par une lecture plus souple des textes bibliques reconnaissant la validité du modèle scientifique des origines, en s’émerveillant des concordances, est préférable... mais souvent boiteux. Séparer totalement science et foi, et vivre le dimanche en chrétien et la semaine en homme du siècle, relève de la schizophrénie.

Quelle articulation proposer pour aujourd’hui? Je la vois dans deux directions : celle de notre responsabilité vis-à-vis de la création, et celle du sens de notre existence.

De la naissance de la science au scientisme

Ce qu’on appelle «science» a émergé autour de la première moitié du 17e siècle, notamment avec des penseurs tels que Galilée et Kepler. On ne se contente plus d’observer, on expérimente, on calcule, on crée des modèles et on fabrique des expériences, réelles ou de pensée, pour les valider ou les infirmer.

Dans les siècles qui suivent, les progrès réalisés, tant dans la compréhension de la nature que dans la maîtrise technique qu’ils permettent, donnent à la connaissance scientifique un prestige croissant. Les avancées spectaculaires de la science aboutissent vers la fin du 19e siècle à une sorte de foi totale dans les possibilités de la science et de la technique qu’on appelle «scientisme». On croit pouvoir un jour tout expliquer et parvenir à une maîtrise totale du monde, on croit au progrès de l’humanité, on croit à la supériorité de la civilisation occidentale – une idéologie qui marque l’entreprise coloniale et influence le mouvement missionnaire de l’époque.

Vers une science plus modeste

Si la société actuelle reste imprégnée par cette vision des choses, cette belle assurance a néanmoins été fortement ébranlée au 20e siècle. Sur le plan théorique, la science fait des avancées au prix de profondes révolutions de pensée, notamment celles de la relativité et de la mécanique quantique, difficile à appréhender pour le profane. Même les mathématiques sont touchées quand Gödel démontre en 1932 l’impossibilité du rêve d’assurer de manière certaine la solidité du sous-bassement logique sur lequel s’édifient les mathématiques. L’idée d’une compréhension totale du monde bat de l’aile. L’horizon de l’inconnu s’éloigne à mesure que l’on s’en approche. La science fondamentale se fait plus modeste, bien que cela ne transparaisse guère quand elle est médiatisée.

Pour le grand public, ce sont surtout les applications de la science qui en questionnent le prestige. Elle permet de guérir le cancer – parfois, mais aussi de détruire Hiroshima. Depuis quelques années, le monde a pris conscience de l’impasse où nous mène notre maîtrise de la nature qui en exploite les ressources sans limite.

Au scientisme du 19e siècle se superpose maintenant une sorte de défiance vis-à-vis de la science. Une défiance qui n’est pas sans danger, car elle ouvre la porte à toutes sortes de croyances, au retour de vieille superstitions, habillées de termes scientifiques dans la confusion la plus totale.

En tant que chrétien, nous pouvons accueillir avec reconnaissance l’apport irremplaçable de la science. Car elle répond à la vocation humaine de connaître et de maîtriser le monde que lui confie le créateur. Mais cette science est et restera faillible et incomplète. Et l’interpellation majeure d’aujourd’hui est celle des enjeux écologiques, avec le nécessaire respect de la création confiée à notre responsabilité, alors que politiciens et économistes continuent trop souvent d’invoquer sans sourciller la nécessité de la «croissance»...

Quelle lecture de la Bible?

L’approche évangélique de la Bible est souvent marquée par une a priori erroné : la lecture littérale d’un texte en serait la lecture normale, tandis que d’autres manières de l’interpréter ne seraient que des concessions à la vérité. C’est ainsi qu’on craint déjà d’accommoder le 1er chapitre de la Genèse en interprétant les jours comme des périodes géologiques...

La confrontation avec la science est sans doute un des facteurs qui nous conduisent à questionner notre littéralisme. Pourtant, une lecture attentive des textes aurait pu ou dû nous y conduire, et d’ailleurs la lecture symbolique des textes est très ancienne.

La Bible aime à nous présenter plusieurs facettes des choses : deux récits de création qui se succèdent sans concorder, deux chronologie divergentes du déluge qui s’entremêlent, deux généalogies de Jésus qui se contredisent. A vouloir lire ces textes littéralement, comme des récits historiques au sens moderne du terme, on commet un anachronisme et on s’enfonce dans des contradictions qu’on ne peut lever sans forcer le texte.

Prenons simplement l’exemple des deux récits de création qui ouvrent la Genèse. Dans le premier apparaissent dans l’ordre la végétation, les animaux terrestres, l’être humain «homme et femme». Au chapitre deux, l’ordre est différent : homme - végétation - animaux - femme. La critique biblique explique cette divergence par des sources différentes – qui restent hypothétiques. Il reste que l’auteur ou le compilateur du texte (peu importe qui) n’entend pas publier une simple anthologie de différentes conceptions du monde, mais bien nous livrer le témoignage de foi du peuple d’Israël. Ce Dieu de la révélation, qui a délivré le peuple de l’esclavage d’Egypte, n’est pas l’un de ces multiples dieux protecteurs d’un peuple particulier, mais le créateur de l’univers entier et la source d’où tout être humain tire son nom. Si cet auteur avait eu l’intention de nous donner une chronologie de la création, il s’y serait pris autrement...

Un magnifique portique d’entrée

Le premier chapitre est une célébration de la création et du créateur, magnifique portique d’entrée qui ouvre sur le sens de notre existence. Tout est déclaré bon. La semaine de la création est un cadre qui fait apparaître toute la splendeur de l’acte créateur. Trois jours consacrés à la création d’espaces par séparation – jour et nuit, eaux d’en haut et d’en bas, mer et terre. Puis trois jours pour peupler ces mêmes espaces : soleil, lune et étoiles au 4e jour, oiseaux dans le ciel et animaux marins au 5e, animaux terrestres et êtres humains au 6e.

Si le soleil n’apparaît qu’au 4e jour, c’est pour répondre à l’apparition du couple jour / nuit au 1er jour. Inutile de se demander pourquoi la lumière est apparue avant le soleil, ou de s’embarquer dans un anachronisme concordiste en y voyant la préfiguration des conceptions de la physique du 20e siècle, pour lesquelles l’énergie a précédé la matière. De plus, si l’auteur biblique parle du soleil en l’appelant modestement «luminaire», c’est pour se démarquer des cultes du soleil des religions environnantes. Etonnamment moderne, ce vieux texte relu aujourd’hui où tant de gens croient trouver un sens à leur existence dans les astres plutôt qu’auprès de leur créateur...

Homme et femme en image de Dieu

Ces textes de création relèvent littérairement du genre «mythologique», dans le sens qu’ils racontent une histoire qui répond à la quête du sens et de l’origine, avec des thématiques et un langage qui se rapprochent des mythes des peuplades environnantes. En même temps, ils s’en distinguent nettement, non parce qu’ils raconteraient l’histoire telle qu’elle s’est réellement passée – perspective issue du rationalisme moderne – mais par la révélation du vrai Dieu, du Dieu unique et transcendant, et par la sobriété du récit. Pas question de dieux qui bataillent entre eux, ou qui engendrent les hommes avec leurs larmes ou leur sperme... Dieu crée par sa parole, il crée l’humain homme et femme, qui adviennent à leur humanité par la parole, et sont appelés à une relation d’harmonie avec leur créateur et avec la création – au-delà de cette brisure du péché que Dieu vient réparer par son oeuvre de salut.

Impossible de parcourir en quelques lignes la richesse et la profondeur de ces textes. Peut-être est-ce par la négative que j’en ai personnellement perçu la portée, à une certaine étape de vie. Après une rupture de couple, il m’a fallu longtemps pour parvenir à relire le récit de la création jusqu’au sixième jour, où homme et femme sont créés en image de Dieu, tant ce texte me m’était douloureux.

Solitude ou présence?

Les récits d’origine que nous proposent la science aujourd’hui ne nous offrent pas des certitudes. Mais les modèles généralement admis tiennent remarquablement la route. C’est d’ailleurs bien par crainte de redonner corps à la nécessité d’un créateur que la théorie du big bang, supposant un commencement, a eu tant de mal à s’imposer...

La quête des origines rejoint la quête de sens qui habite chaque être humain, qu’il soit scientifique, poète ou maçon... Les découvertes et les théories scientifiques, pour qui a l’occasion et la possibilité d’y plonger quelque peu son regard, conduisent à l’émerveillement et reposent la question du sens à nouveaux frais. Jacques Monod donne le vertige avec la conclusion de son ouvrage Le hasard et la nécessité (Seuil, 1970): «L’homme sait enfin qu’il est seul dans l’immensité indifférente de l’Univers d’où il a émergé par hasard.» Il s’agit évidemment là d’une affirmation de foi, et pas de science. Le chrétien partage la même question et le même vertige, mais y répond différemment, en plaçant sa confiance dans le Dieu créateur révélé dans ces vieux récits bibliques. Il n’est pas seul, il vit de la présence de Dieu. Mais cette réponse et cette certitude restent de l’ordre de la foi et non du démontrable, d’une relation vécue plutôt que d’une vérité qui s’impose.


Quelques ouvrages

Lydia Jaeger, Pour une philosophie chrétienne des sciences, Editions Excelsis et Institub Biblque de Nogent, collection Terre Nouvelle, 2000. -- Excellent !!